Le Gai Savoir (La Gaya Scienca)
Traduit par Henri Albert.
Paris, Mercure de France, 1921
18,2 x 12,2 cm, demi-chagrin rouge, dos lisse, auteur et titre dorés, couv. non cons., faux-titre, 413 pp., 2 ff. n. ch.
Quatorzième édition imprimée en 1921 (l’édition originale de la traduction d’Henri Albert parut en 1901), relié modestement.
Exemplaire d’Albert Camus, signé et daté 1933 à l’encre bleue sur la page de faux-titre et annoté, à la mine de plomb, d’une écriture fine, datant de la fin des années 50.
Important ouvrage acquis par Albert Camus à Alger en 1933, probablement suite aux recommandations de Jean Grenier, son professeur de philosophie, alors que le futur écrivain n’a pas vingt ans.
Exemplaire comportant des annotations manuscrites et un carton annoté faisant références à plusieurs de ses oeuvres et certains de ses écrivains favoris ainsi qu’à sa vie sentimentale.
L’un des rares livres achetés très tôt et conservés par Albert Camus durant toute sa vie, ceci malgré maints déménagements, d’Alger à Oran et en France notamment durant la guerre.
Parmi les annotations manuscrites et marques de lecture figurant dans l’ouvrage, on trouve :
une référence au roman Requiem pour une nonne de Faulkner publié en France en 1951, adapté au théâtre par Albert Camus en 1956, adaptation publiée en 1957 chez Gallimard ;
des références à Molière, Marcel Marceau (qui joua dans L’Etat de Siège en 1948) et Albert Vidalie.
Est joint un carton d’invitation, retrouvé dans l’ouvrage, adressé à Albert Camus pour assister à la représentation d’une pièce de théâtre en mars 1957 qui lui servit de marque page et de pense-bête.
Au dos du carton figurent des notes à la mine de plomb de la main d’Albert Camus et deux petits dessins figurant des soleils autour du nom de Verkhoven (i.e. il s’agit de Stepan Verkhovensky, personnage central des Possédés, roman de Dostoïevski adapté au théâtre et mis en scène par Camus en janvier 1959, adaptation à laquelle il travaillait depuis 1953).
Parmi les autres inscriptions autographes figurent :
- une autre référence aux Possédés et à Némésis (en 1958, Albert Camus a pour projet de rédiger un essai autour du mythe de Némésis, déesse de la Mesure),
- la mention d’une lettre de rupture (projet de lettre probablement destinée à sa femme Francine, dont il songea divorcer en 1958, période pendant laquelle la vie amoureuse d’Albert Camus est très intense. Il fréquente alors Maria Casarès, Catherine Sellers une jeune actrice, qui tint le premier rôle féminin dans Requiem pour une Nonne et Mi, une jeune danoise rencontrée en 1957),
- des rendez-vous à la NRF et l’indication d’une somme incroyable de travail.
Nietzsche fut une source d’inspiration majeure pour Albert Camus. Dans une lettre écrite de Cabris, fin février 1950, alors qu’il rédige L’Homme Révolté, Albert Camus parlera en ces termes du philosophe allemand : «C’est le seul homme dont les écrits aient exercé, autrefois, une influence sur moi. Et puis, je m’en étais détaché. En ce moment, il tombe à pic. Il apprend à aimer ce qui est, à se faire un appui de tout, et de la douleur d’abord. [... ]. Ce qui fit le grand style dit-il : se sentir maître de son bonheur comme de son malheur « (Olivier Todd, Albert Camus - Une vie, Gallimard, 1996, p. 510).
Camus consacra un chapitre de L’Homme révolté à Nietszche.
Le Gai savoir l’accompagna jusque dans sa mort tragique survenue le 4 janvier 1960. Albert Camus remonte alors sur Paris avec les Gallimard à bord de leur Facel-Véga. A proximité de Sens, la Facel-Véga, après une embardée, quitte la route et percute un platane. «Le choc a tué sur le coup Albert Camus, grièvement blessé le conducteur [Michel Gallimard]. Tout autour des débris de tôle et projeté dans le fossé, la sacoche contenant le manuscrit [du Premier Homme] et les deux livres que relisait Camus : Le gai savoir de Nietzsche, et Othello, de Shakespeare.» (Alain Vircondelet, Albert Camus fils d’Alger, Fayard, 2010, p. 48).
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